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26 février 2007

La saga Burgos 5/ The rendez-vous

Ouhaip, trop beau pour être digne de confiance celui là. Je me méfiais des hommes qui veulent vous emmener sur un Belvédère, s’il pensait que le vertige allait me monter à la tête et que j’allais me jeter sur lui, il se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. En plus son belvédère je le connaissais déjà, la dernière fois que j’étais venue à Burgos on avait fait un apéro à coté du Belvédère. Ah ça y est ? on est en haut ? Nous descendîmes de la voiture.

« En fait, je suis déjà venue à Burgos il y a deux ans, et je connais le Belvédère, la mairie nous avait offert un apéro.

_ ah bon, tu es déjà venue à Burgos ?

_  oui il y a deux ans,  pour les cours d’été aussi.

_ Alors tu passes un concours en France ? C’est quoi comme concours ?

_ et ben, un concours pour être prof d’espagnol en France.

_ mais tu as fais quoi comme études ?

_ j’ai une maitrise d’espagnol…

_  Une maitrise ? Attend mais t’as quel âge ?

_  Je sais pas, combien tu me donnes ?

_ Ben, je te donnais 19 ans, mais si tu dis que tu as une maitrise c’est pas possible.

_ En fait, je pense que je suis plus âgée que toi, j’ai 24 ans, je vais en avoir 25, je suis de 80, et toi t’es de 81 ?

_ euh oui comment tu sais ?

_ dans ton adresse e-mail, il y a ton nom de famille et 81, j’en ai déduis que c’était ton année de naissance. Alors comme ça tu me donnais 19 ans? »

(Ca ne m’étonna pas, c’est comme ça, j’ai toujours eu l’air plus jeune que mon âge. A 15 ans j’en paraissais 12, à 20 j’en paraissais 15, avant ça m’agaçait, mais finalement je trouve qu’à 40 ans ce sera un avantage.)

Nous entrâmes dans un bar très sympa, il n’était pas bondé, et la musique n’était pas trop forte. Nous commandâmes des bières, nous sortîmes tous deux nos porte-monnaie il dit « non, non laisse c’est pour moi », je continuais à compter la monnaie, et il ajouta « je suis désolé en fait je vais devoir me faire inviter, je n'ai plus rien, j’irai retirer après pour t’inviter », je dis que ce n’étais pas grave, je le branchais sur son métier de photographe, et il me raconta qu’en fait ça ne faisait qu’un an qu’il travaillait en tant que photographe, qu’il avait toujours aimé la photo, mais après le bac il s’était engagé dans la légion, qu’il avait travaillé dans le sud de l’Espagne, qu’il était parti en Irak, qu’il avait aimé voyager, qu’il était revenu à Burgos, dans une caserne, le travail ne lui plaisait pas, qu’il avait mis toutes ces économies dans un cours de photographie, pour apprendre mieux, et avoir un titre à faire valoir, qu’il avait trouvé ce job au journal, qu’il aimait ça, mais pour l’instant ça ne payait pas bien parce qu’il ne travaillait qu’en tant que remplaçant, c'est-à-dire les weekends et pendant l’été tous les jours sans repos ou presque. Qu’il aimait le photojournalisme, mais qu’il aimait aussi les photos de mode, qu’il rêvait d’aller à Paris. Et puis il s’arrêta, et dis « il n’y a que moi qui parle, et toi, racontes moi quelques chose », je ne savais pas quoi répondre, par quoi commencer, l’impression d’être creuse, après tout ce qu’il venait de raconter. Alors il demanda « Et toi, tu as voyagé un peu ? Tu aimes quoi dans la vie ». Je racontais à mon tour, l’Equateur, la France en long en large et en travers, l’Espagne celle du sud, pas ce nord si froid, l’Andalousie de ma maman avec ma grande famille, l’Inde, Erasmus à Granada, ces nuits passées dans le désert dans les Emirats, l’Italie si chère à mon cœur pour l’architecture et l’art. « Pour l’art » demanda-t-il. Il me demanda ce que j’aimais dans l’art. La peinture lui dis-je, la sculpture, enfin tout. L’art moderne surtout. Je n’aime pas que ce qui est beau, j’aime détester, et chercher à comprendre pourquoi je déteste, je lui racontais des biennales, Guernica la première fois, le musée d’Orsay de Paris, les formes bizarroïdes du Guggenheim de Bilbao, ce monochrome de Klein devant lequel j’étais restée si longtemps fascinée par tant de bleu, par ce bleu là, le Reina Sofia à Madrid avec ses ascenseurs vertigineux qui chatouillait le ventre parce qu’ils grimpaient trop vite ou descendaient trop fort, l’inter iconicité des tableaux d’Equipo Cronica hier et d’Herman Braun Vega aujourd’hui, finalement j’avais des choses à dire. Il me proposa d’aller vers le centre, pour retirer de l’argent et boire un autre verre. Il était minuit, j’acceptai, dans la voiture en mettant la radio, il me demanda ce que j’écoutais comme musique. Je lui dis que j’écoutais plutôt du rock, enfin pas du métal hein, les espagnols que j’ai connu jusqu’à présent n’étaient pas très branché rock, alors je lui dis, « j’écoute des groupes comme Radiohead, Muse, Portishead ». Nous descendîmes de la voiture, je poursuivis « sinon, en ce moment j’aime bien Franz Ferdinands, et les Sunday Drivers tu connais, c’est un groupe espagnol, mais ils chantent en anglais ». Oui il connaissait, il dit que j’étais la première fille qu’il connaisse qui écoute du rock, mais que ma conversation était tellement intéressante que nous étions arrivés devant le pub où il voulait aller et qu’il avait oublié de retirer de l’argent, alors qu’il fallait qu’on fasse demi tour, je lui dis qu’il m’inviterais une autre fois, je le taquinais un peu en lui disant que j’admirais sa technique pour se faire payer des coups à boire, et que le coup du « t’es tellement fascinante que j’ai oublié de retirer » on ne me l’avait jamais fait, il promit que la prochaine fois il m’inviterais, pour que je ne fasse pas courir de par le monde la rumeur que les gens de Burgos étaient des radins et des profiteurs. Dans le pub nous parlâmes encore, il me dit que le lendemain il allait photographier une course cycliste autour de Burgos, qu’il serait à l’arrière d’une moto, que ça allais être génial, qu’il aimait faire du vtt. Je lui dis que moi aussi, que j’en faisais un peu dans les collines près de chez moi. Il était une heure, je lui dis que je devais rentrer. Il proposa de me déposer devant chez moi. Dans la rue je frissonnais. Il le vit, passa son bras autour de mes épaules. Je pensai « ah tiens, alors je lui plais? » Il demanda « tu savais que tout allait finir comme ça ? ». Je répondis « oui, plus où moins, je savais », alors il s’arrêta, et là je compris que j’aurais du demander « que tout allais finir comment ? », pour qu’il puisse répondre « comme ça » et m’embrasser, c’est ce qu’il avait calculé ce petit séducteur à la noix, et moi je venais de lui “casser” son coup. Je relevais les yeux vers les siens, je m’y noyais un peu, et il m’embrassa, et je vous jure qu’à ce moment là, l’ouverture d’une symphonie de Beethoven retentit, je lévitai avec lui à un mètre au dessus du sol, et la ville se mit à tourner vertigineusement autour de nous. En tout cas, ça ne c’est peut être pas passé exactement comme ça mais c’est ce que je ressentis.

A suivre…

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Commentaires
L
Ouah ! Encore une de 80 qui appartient au club des filles qui se font passer pour des gamines ! Ca me fait plaisir, je ne suis pas la seule à faire toute jeunette !
M
Oui c'est fou... Il y a des choses, des phrases, des sensations qu'on n'oublie pas.
C
C'est fou comme on peut se rappeler dans le moindre détail de certaines soirées, non ? ;)
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