Des deux et des sept
Un peu en panne d'inspiration, et envie de me raconter, alors je sacrifie aux modes bloguesques pour le faire en 2 et en 7.
1982: Je suis une petite fille, et j'ai deux jeunes parents, ma maman a 22 ans, et mon père 26, des gamins, ils ont été un peu fou, se sont mariés au bout de 4 mois, et n'ont pas pensé que les enfants ça arrivait aussi vite. Papa est un peu déçu parce qu'il aurait préféré un garçon, mais finalement il se rend compte qu'un p'tite coquine c'est pas mal aussi. Heureusement, je suis sage comme une image et en bonne santé, ils tirent un peu le diable par la queue avec les traites de l'appartement et le salaire unique de papa, mais ils font de choix de ne vivre que sur un salaire pour mieux s'occuper de la p'tite. Nourrie au petits plats et compote maison, je m'épanouie, mais j'ai très peu de cheveux. Nous ne le savons pas encore, mais dans un an nous allons partir faire un voyage merveilleux, nous allons partir en Equateur, et y rester 3 ans. J'irais à l'école dans une école équatorienne, j'apprendrais à nager, et maman ne me parlera qu'en espagnol.
1987: voilà 1 ans que nous sommes rentrés en France, nous vivons dans l'est à Luxeuil-les bains (en Franche-Comté). Il parait que c'est un trou, mais moi j'aime bien parce que je vis dans un appartement, et j'ai plein de copines, je vais jouer avec elles en bas de l'immeuble (punaise, y avait pas Sarco à l'époque, pour empêcher ces délinquants juvéniles de trainer en bas de l'immeuble!) J'ai eu un petit frère, chuis deg, parce que moi j'aurais préféré une petite soeur, en plus tout le monde le préfère, mais bon, moi je l'aime bien quand même, sauf quand maman me demande d'aller jeter ses couches puantes dans le vide ordures.
A l'école ça va pas fort, le maitre y dit que je rêve trop, que je suis toujours dans la lune, que j'ai du mal à écrire et à recopier au tableau, que c'est parce que en Equateur j'ai pas fait de maternelle et que je connais pas bien la graphie, mais quand même j'ai appris à lire, et j'adore ça, même plus besoin d'attendre que maman vienne me lire un livre, alors je lis des "Martine", des "Jojo Lapin", et je découvre avec un bonheur indiscible la Comtesse de Ségur. Le maitre y comprend pas que mes rêves sont plus beaux que la réalité, moi quand je suis dans la lune je rêve que plus tard je me marirais avec un prince, et que je serais heureuse, et puis d'abord, moi mes enfants je ne les obligerais pas à aller à l'école, où alors qu'à la récré. J'ai un vélo rose, et j'adore les barbies. Ma couleur préférée c'est le rose, et j'aime les robes de princesse qui tournent.
1992: On a quitté Luxeuil, maintenant on vit à Biarritz. Enfin on vit à Bidart. Le matin je me lève très tôt pour prendre le bus de Saint Jean. Le collège moi j'aime bien, je travaille bien maintenant, alors mes parents sont contents. Mais j'aime pas trop où on vit, parce que ma voisine elle est au même collège que moi, dans la même classe, et elle est pas sympa avec moi. En plus mes copines de Luxeuil me manquent. C'est vrai que c'est bien de vivre dans une maison et d'avoir un jardin, mais je me sens seule. Je continue à lire beaucoup. A la recherche de mes racines provençales, je me suis mise à lire Pagnol, des histoires de filles perdues, de collines, de thym et de Garrigues. Je lis un peu tout ce qui me tombe sous le coude, maman m'achète des livres en "poche jeunesse": Mon bel oranger, Les quatres filles du docteur March. On offre à papa pour Noël l'intégrale des Beatles. J'écoute en boucle, et je chante à tue tête "Love Love me do, you no i love you, so pleeeeeease, love me do. Il y a toujours un garçon qui me plait, et qui n'en sait rien. Je ne le dis à personne, j'évite même de le regarder. L'adolescence pointe le bout de son nez, et avec son cortège de mal être. Bientôt, il y aura Nirvana.
1997: L'année dernière nous étions en Inde. Dans mon lycée, il y a des pseudo hippies, qui disent "A bon t'as vécu en Inde? C'est génial..." Ils ne savent pas. Il ne savent pas les lépreux dans les rues, les dysentries à répétition, les regards des enfants qui mendient dans la rue, il ne savent pas la cage dorée, ne pas pouvoir se promener seule dans la rue, la misère, les odeurs nauséabondes. Et puis en Inde, il y a aussi ce garçon qui a pris, mon coeur, ma virginité et ma santé mentale. Heureusement, nous sommes rentrés en France à temps, je commençais à perdre pied. De retour en Provence, je connais J.M. mon amour d'ado. Nous formons un joli bébé couple, les parents approuvent, nous sommes tous les deux sérieux, le bac avant tout. Celui de J.M. d'abord, le mien l'année prochaine. Mention A.B pour les deux. J.M. part vivre à Saint Etienne pour ces études. Nous nous aimons, mais il prend de la distance, se fait des nouvelles amies.
2002: Je vis toujours en Provence, mais les parents sont partis dans le Golfe avec mon frère. A la fac, c'est allé très vite, en 2001 j'avais ma licence, mais bon, maman a insisté, et j'ai rempilé sur un maitrise avant de passer le concours. Je ne me sens pas assez mûre pour enseigner. L'an dernier à Grenade, je me suis fait des amies géniale, elles m'ont beaucoup aidé quand ça c'est fini avec J.M. Et puis, je suis amoureuse, il s'appelle B. Il est pilote de chasse, enfin, pas encore, mais il va le devenir. Il est beau dans son uniforme. On vit ensemble, d'abord dans mon 18 m2, et puis dans la maison de mes parents puisqu'elle est inhabitée. Fréro rentre du golfe, il va vivre avec nous. Puis B. est muté, à nouveau la distance déchire tout. Je perd pied. Je laisse tomber les études pendant un an, pas la force de me battre.
2007: J'ai réussi! J'ai mis un peu de temps, mais je l'ai ce concours! J'apprend mon métier, certains jours avec beaucoup de bonheur, d'autres avec stress et angoisse. J'ai des projets de voyage, puisque je n'ai pas d'attaches, autant m'envoler. Mais bon, j'ai 26 ans, j'en aurais 27 en octobre, et parfois je ressens une angoisse terrible, celle de ne jamais rencontrer quelqu'un avec qui j'aurais envie de construire quelque chose, celle de finir seule, de ne jamais avoir d'enfants, d'être une vieille fille aigrie (bon d'accord, je dramatise un peu là!)